Les SDF nous renvoient à nos peurs


Mendiante
Tous les matins, je
croise une femme sans âge
: elle pourrait avoir 45 ans comme elle pourrait en avoir 65. Chaque jour, je la vois assise par terre à quelques pas du bureau. Je sors du métro pour aller
bosser ou au contraire j’ai fini ma journée et je rentre chez moi ; elle, est toujours là. Je me plains de la pluie, du froid… Mais, qu’il pleuve, qu’il vente ou qu’il neige, elle reste stoïque,
engoncée dans des vêtements sans forme, avec son fichu sur la tête, souriante, toujours, mais d’un sourire triste qui en dit long. Alors que moi, le froid ou la pluie, je ne les
subis qu’entre le métro et le bureau…

Pendant quelque temps, je ne l’ai plus vue. Partie ailleurs ? Sous un climat plus favorable ? Non, car elle a refait son apparition. Et chaque matin, chaque soir, je la recroise.

Des personnes comme ça, il y en a des tas. On ne les voit pas toujours. Parfois on les remarque grâce à un petit chien qui nous fait de la peine. Pourquoi avoir plus de peine pour un
chien ?
Parce qu’il n’a pas demandé à être là ? La femme du coin de la rue l’a-t-elle demandé, elle ?

Alors on essaie d’éviter leur regard, de changer de trottoir, pour ne pas avoir à croiser leur regard. J’ai choisi une autre option : lui dire bonjour chaque matin, bonsoir
chaque fin de journée. Mais la vérité est que je redoute cet échange. Comme beaucoup.

Parce que finalement, tous ces hommes et ces femmes que nous voyons dans la rue, avec leurs paquets, leurs sacs, leur tristesse, ne font que nous renvoyer inexorablement à la dure réalité :
nous vivons dans un monde qui va mal et leur sort pourrait bien être le nôtre demain, après-demain, dans six mois, dans un an…

Faire des études, avoir un diplôme, un travail, un peu d’argent de côté, cela ne nous met plus à l’abri. Demain, nous ne pourrons plus habiter Paris (c’est déjà le cas de nombreux jeunes adultes
qui, pourtant, ont la chance d’être en CDI), mais nous continuerons d’y travailler. Demain, nous ne pourrons plus boucler nos fins de mois. Nous ne pourrons plus acheter des fruits et légumes
frais. Nous ne pourrons plus assumer nos dépenses. Nous demanderons à nos parents et finirons par retourner vivre chez eux pour “faire des économies”.

Alors évidemment, ce n’est pas pour demain-demain, mais pour demain-plus tard. Un court délai pour se retourner, chercher des solutions. Accumuler les jobs (un vrai pour la journée au bureau, un
autre en freelance le soir et le weekend pour ceux qui le peuvent, histoire de sortir la tête de l’eau).


SDF
A l’heure où seuls 10% des français
gagnent plus de 3000 euros par mois, comment se fait-il que ces mêmes 10% ne voient pas l’avenir d’un bon œil ?
Qui, alors, pourra encore vivre à Paris ? L’immobilier continue sa montée
et seuls les étrangers peuvent encore investir. A quand une loi pour favoriser les achats par des français (au sens large, SVP) qui habitent et travaillent ici, et voudraient pouvoir rester alors
que des appartements restent vides 350 jours par an quand leurs propriétaires ne sont pas en vacances dans la ville lumière ?

On nous parle impôts sur les riches, mais cela ne fait que détourner l’attention du vrai problème. 3000 euros aujourd’hui, c’est la richesse pour certains, mais au final cela ne suffit pas à
vivre à Paris. Les vingtenaires ont du souci à se faire, les trentenaires s’en font déjà. Et chaque jour ils croisent ces SDF qui leur rappellent que demain ce sera peut-être
leur tour…

One thought on “Les SDF nous renvoient à nos peurs

  1. Bonjour,
    C’est, précisément, pour changer ce dont vous parlez que j’ai écrit un livre sur mon expérience dans la rue. Vous pouvez l’obtenir par mon éditeur. Je peux vous l’envoyer directement sur demande.
    Depuis que vous avez écrit vos observations et que j’ai écrit mon livre que l’hiver 2012 est arrivé puis passé pour voir partir un ancien gouvernement et un autre arrivé : rien n’a changé pour les
    SDF. J’alerte l’opinion à ce propos. Cordialement