Shopping accusateur
Cette semaine dans le Elle, on trouve une photo de Mary-Kate Olsen
les bras chargés de paquets, avec un paragraphe accusateur sur le ton de « en moins de deux heures, elle a dépensé en cadeaux quasiment l’équivalent du P.I.B. d’un pays en voie de développement ».
Ce shopping « limite obscène » serait donc de mauvais ton, voire totalement politiquement incorrect. Pourtant, on ne cesse de nous pousser à la consommation. Alors, info ou intox?
Evidemment, dépenser autant d’argent en si peu de temps, alors que des millions de personnes meurent de faim, ce n’est pas très valorisant. Evidemment, s’exhiber dans les rues de LA en Pretty
Woman ultra-dépensière, ce n’est pas vraiment ce qu’on peut appeler un exemple à suivre. Evidemment, si la jumelle Olsen avait donné tout cet argent pour une oeuvre caritative, on n’en aurait pas
fait tout un plat. Evidemment…
Et pourtant, voilà cette photo, dans le féminin le plus populaire au monde, accusant une gamine multimillionnaire de s’en donner à coeur joie en dépensant les dollars amassés depuis ses premiers
pas (ou plutôt gazouillis) devant une caméra. Serait-elle donc victime de son succès, des millions de fans qui les suivent, elles et sa soeur, depuis leurs débuts? Ou bien est-ce simplement un
regain de bonne conscience de la part de rédactrices qui nous prônent les vertus de it bags à plusieurs milliers d’euros?
C’est finalement bien là le coeur du problème. On nous abreuve de shoppings dans lesquels la moindre pièce équivaut à un demi-smic, on nous fait rêver devant des créations signées Dior, Chanel,
Dolce & Gabbana ou encore Gucci et Prada quand moins du cinquième des lectrices des féminins peut se permettre ces petites folies, on nous encourage à économiser sur des futilités pour se
faire un beau cadeau hors de prix (chaque mois dans Glamour)… Et quand une starlette se lâche, c’est la lapidation assurée.
Pourrait-on nous expliquer comment d’un côté on nous canarde d’images toutes plus fashion les unes que les autres, vantant les tenues hors de prix arborées par les actrices les plus en vogue,
quand c’est pour nous culpabiliser dès qu’on succombe à la tentation. Y a-t-il donc un bon et un mauvais côté de la barrière fashion? Pourquoi critique-t-on une Mary-Kate Olsen et pas une Sienna
Miller ou une Kate Moss? Est-ce parce que l’une se montre avec des paquets tandis que les autres portent leurs achats? D’ailleurs, sachant que la plupart des tenues sont prêtées voire données aux
actrices, n’est-il pas plus sain de voir enfin une star dépenser son argent?
Le mal est peut-être plus profondément ancré. Depuis quelques années, c’est la surenchère dans l’inflation du luxe: plus les prix augmentent, plus les marques rivalisent d’ingéniosité pour nous
faire tomber dans le panneau de l’achat compulsif. Tout commence avec le premier achat: un petit accessoire, type porte-clés, porte-monnaie, foulard… Et les magazines suivent en nous faisant
miroiter les pièces les plus chères. Reste la « malheureuse fashion victim », qui boit les paroles (euh… les lignes?) de ses bibles.
Et puis on se rend compte que tout cet étalage de marques et de mode ne serait finalement que le comble de la vulgarité, une provocation
indécente à l’ère du développement durable et de la mode éthique. Ces quelques lignes sur Mary-Kate seraient finalement un sursaut de réalité dans un monde d’apparences. Une erreur fatale
qui se serait glissée dans les news hebdomadaires? Ou tout simplement le reflet d’une tendance moins show-off? Allez savoir… En revanche, ce qui est certain, c’est qu’arborer la preuve de
ses dépenses ne fait plus recette. Parce que la tendance n’est pas une question de prix…