Lettre à Marisol Touraine – l’intox du gouvernement dénoncée
Aujourd’hui c’est gros, très gros, coup de gueule. D’une part contre notre ministre de la Santé qui nous vend littéralement aux mutuelles, d’autre part contre
les journalistes qui ne mouftent pas. Commençons par les journalistes. Toujours décriés par la droite qui dénonce leur penchant à gauche (en même temps, chacun sa façon de
pensée), ils couvrent aujourd’hui le gouvernement en “oubliant” de parler des réelles raisons de la grogne des médecins. Pourquoi ? Parce que le gouvernement de Sarkozy avait
supprimé une niche fiscale qui leur était réservée et que François Hollande veut la réinstaurer. Alors évidemment, on ne mord pas la main qui vous nourrit. CQFD : tous
des vendus !
Passons maintenant à ce qui nous concerne directement : le sort des médecins et, par extension, le nôtre. Alors voilà : Marisol Touraine veut supprimer les dépassements
d’honoraires. Tout simplement. Tu m’étonnes qu’elle ait été reçue comme une reine par les mutuelles qui, aujourd’hui, prennent en charge ces fameux dépassements. Mutuelles qu’au passage on paie…
Bref, ce qu’elle nous prépare, c’est un dépassement 0 d’ici à 2016. Pas glop sachant que je ne connais pas beaucoup de spécialistes qui pratiquent le tarif de la sécu, et pour
cause…
Explication de la raison des dépassements d’honoraires dans la vidéo – certes un peu longue mais très instructive – ci-dessous (parce qu’il faudrait peut-être penser à arrêter de diaboliser les
médecins). Depuis le début des années 90 (voire plus tôt pour certains soins), les tarifs de la sécu n’ont pas augmenté. Or, tout a augmenté : les salaires (des assistantes, des
infirmières…), les loyers (je ne vous fais pas de dessin sur la courbe des prix de l’immobilier), l’électricité, les charges, les assurances (tiens, les mutuelles aussi, c’est marrant), etc. Mais
les tarifs de la sécu sont restés rigoureusement les mêmes.
Donc un médecin qui a plus de charges (voir plus haut : pour payer son assistante, son bloc quand il s’agit d’un chirurgien, le loyer de son cabinet, le matériel…) devrait, lui, ne pas être
augmenté. Ben tiens. Et moi je vais demander le même salaire que mes parents dans les années 70, on verra comment je m’en sors. Pire : un grand ponte qui a fait de longues études
lui aussi (pour rappel, les médecins enchaînent des études longues, très longues, des formations tout au long de leur carrière pour rester au top – et ça aussi ça a un prix – avec des gardes
monstrueuses payées des clopinettes), Frédéric Van Roekeghem, l’actuel directeur de la sécu (polytechnicien de son état), a réussi à sortir l’ineptie du siècle :
si on payait les médecins plus de 23 euros, il passeraient trop de temps avec leurs patients. Ben oui, c’est bien connu : ton médecin il aime bien passer du temps avec toi, ça l’amuse, et c’est
pour ça qu’il aimerait être payé plus, pas parce qu’il fait des horaires de chien pour s’occuper correctement de ses patients.
Petite anecdote pour la route : ma généraliste, une vraie de vraie, passionnée par son métier (sinon, je ne comprends pas comment elle survivrait à son rythme de dingue), passe en moyenne trois
quarts d’heure avec ses patients. Certains pensent certainement que c’est trop, mais le fait est que ses patients attendent parfois jusqu’à 2h45 dans sa salle d’attente pour être
soignés par elle. Oui, 2h45 !!! (c’est du vécu) tout ça parce qu’elle est efficace. Mais alors, me direz-vous, pourquoi ne prend-elle pas des rendez-vous plus espacés ? La réponse est
simple : parce qu’elle n’en a pas le droit. Une consultation, c’est 20 minutes, dixit la sécu. Ce même médecin reste parfois à son cabinet jusqu’à 1h du matin (le plus souvent
c’est aux alentours de 22h-23h). Alors qu’elle a un fils. Alors qu’elle habite en banlieue. Et pourtant elle ne prend que 23 euros. Vous commencez à comprendre pourquoi elle mériterait de
gagner plus ?
Reprenons : un médecin, une fois toutes les charges payées, s’il se base sur le tarif de la sécu, risque fort d’en être de sa poche. Vous travailleriez comme un forcené pour rien, vous ? Non ? Et
bien voilà pourquoi ils descendent dans la rue et se rebiffent. D’autres pensent à s’expatrier. Après la fuite des grands patrons et des stars, voici venu le temps de la fuite des
médecins. Et ça c’est vraiment grave, parce qu’à ce rythme-là, bientôt, on n’aura plus que les branquignoles pour nous soigner. Ca donne envie, non ?
Les plus riches iront donc se faire soigner à l’étranger. Les autres se démerderont avec des délais d’attente à rallonge (ben oui, puisque de toute façon pour être remboursé on nous imposera à
tous les mêmes médecins). Et que dire des spécialistes avec lesquels on a besoin d’une vraie relation de confiance ? Les femmes devront faire appel à des gynécos qu’elles ne connaissent pas,
alors que la relation à ce médecin est très particulière. L’ophtalmo qui vous suit depuis des années ? Il ne sera plus là. Vous irez à l’hôpital dans 5 mois. Une conjonctivite ? Pas grave, un
généraliste vous prescrira un traitement générique pas forcément adapté, mais généralement approuvé.
Parce que c’est aussi ça qui nous attends : une médecine globale pour tous. Tous avec le même traitement (ce sont les labos qui peuvent se frotter les mains),
pas de cas particulier. Bonheur ! Et on dit que les américains sont plus mal lotis que nous ? Voilà qui risque de ne pas durer. C’est ce que dénonce le docteur Arielle Salon,
chirurgien de la main, libéral et hospitalier à Paris, membre du Collectif Blouses Blanches en Colère dans une lettre à Marisol Touraine. Elle qui la connaît bien n’y est pas allée de main morte pour lui
expliquer qu’elle est complètement à côté de la plaque.
Parce que cette situation révoltante n’est pas médiatisée, c’est à nous de faire passer le message. Pour que les français ne croient pas que les médecins sont tous de riches connards. Leur
salaire, ils l’ont mérité, ils ont travaillé dur – et continuent – pour nous offrir des soins de qualité. Personnellement, je n’ai pas envie de me retrouver avec la lie
de la médecine pour me soigner quand tous les meilleurs se seront barrés. REAGISSEZ !!!
NB : la vidéo ci-dessus a été censurée par YouTube. Belle preuve du droit d’expression à la française..!