Les romans de Jardin

Ca faisait longtemps que je ne vous avais pas parlé de mes
addictions. Alors en voilà) une nouvelle, redécouverte depuis peu: les romans d’Alexandre Jardin. Pourquoi les romans d’Alexandre Jardin? Et bien parce qu’il est des moments dans la vie d’une
fille où les contes de fées à l’eau de rose ne suffisent plus, où on a besoin d’espérer un peu plus, de voir la vie en grand, sans demi-mesure, avec tous les fastes d’un romantisme excessivement
innovant et non pas des platitudes parsemées de bouquets d’un banal affligeant.

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Je vous vois venir, avec tous ces discours en faveur de ce
romantisme aseptisé, ou au contraire militant pour du réalisme terre-à-terre… Oh que oui! Alors qu’en y regardant de plus près, Alexandre Jardin sait manier les mots, mais bien au-delà les
idées. Ce n’est pas tout de savoir écrire aujourd’hui: d’autres l’ont fait, et mieux que ça même (Stendhal, Baudelaire, Choderlos de Laclos, Sade…). Aujourd’hui, il faut adapter le romantisme à
une société moderne, désenchantée, blasée, qui en demande toujours plus.

Et Jardin a cette particularité d’ouvrir de nouvelles perspectives, de s’inspirer de grands écrivains comme d’hypnotiseurs reconnus, de mettre de la psychologie dans ses pages, des couleurs dans
son langage et de faire pousser des rêves dans la tête des filles. Si ça ce n’est pas du talent!!! Souvenez-vous de cette phrase magnifique clôturant Fanfan (mais si: Sophie Marceau en cuissardes
rouges): « tous les matins je te quitterai et tu auras jusqu’au soir pour me reconquérir »! Magnifique, je vous dis, criant de vérité, parce que la répétition du quotidien, la certitude de l’acquis
est l’ennemi de la satisfaction.

Voilà quelques jours que je m’attache à relire mes romans favoris, dans l’ordre: L’île des gauchers, Mademoiselle Liberté (j’aime à m’identifier à elle, sans le final grandiose,
of course), Autobiographie d’un amour. Des romans où il est question d’aimer et non de se faire aimer, de renouveler la passion chaque jour, de se réinventer pour réinventer sa vie et
celle de l’autre. Des romans où la fidélité n’est qu’une notion parmi d’autres, tout à tour malmenée, protégée, fuie, recherchée… Des romans qui devraient servir de manuel pour les handicapés
du sentiment, les dégrisés du sexe, les dépassionnées de l’amour.

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Au rique de passer une fois de plus pour une
midinette, je clame mon goût pour ces romans qui me poussent à voir la vie différemment, sous de nouveaux angles, plein, pour ne jamais voir la même chose que la veille, que l’instant précédent,
pour ne pas m’enliser dans une réalité fixe alors qu’elle peut être mobile. Liberté rêve d’un « chef d’oeuvre, sinon rien », Alexandre entre dans la peau d’Octave pour reconquérir sa femme, Lord
Cigogne se carapate aux antipodes pour remettre sa vie et celle de sa femme à l’endroit en inversant ses habitudes… De tels personnages mériteraient qu’on leur consacre des jours fériés pour
réapprendre le romantisme.

D’ailleurs, on a une fête du travail, une journée de la femme, une journée sans tabac, une autre sans voiture, pourquoi pas une journée du romantisme? Un Grenelle de la frivolité? Je divague,
mais tel est l’effet que me font les romans de Jardin (à ne pas confodnre avec Le roman des jardin, oeuvre sérieusement critiquée par la famille de l’auteur, furieuse d’avoir été ainsi
mise en scène – mais quelle idée! alors que devenir un héro de Jardin devrait être un but en soi).

Certes, Jardin n’est pas Victor Hugo, sa verve n’avoisine pas celle d’un Marquis de Sade, son écriture est plus accessible que celle de Musset, et pourtant… Quelle richesse dans la dépiction
des sentiments, des sensations, des envies! Son vocabulaire se fait chatoyant, il renvoit les couleurs de sa vision, la profondeur des désirs avoués de ses personnages, trahit cette incessante
recherche d’un absolu quasi-inaccessible. Jardin me fait voir la vie en rose en la rêvant d’un rouge flamboyant.

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Quelle joie de retrouver ces
pages lues avec tant d’émerveillement il y a de cela quelques années. Les relire m’a rappelé que la vie n’est terne que si on accepte qu’elle le soit, que la banalité ne trouve de place que si on
lui en laisse, que le rêve est permis, voire conseillé pour peu qu’on y croit ne serait-ce qu’un instant. Ces trois romans sont une ode à un romantisme durable, la permission de jouer à être soi.
En ce début de printemps, c’est une invitation à sortir de l’hibernation, à endosser le costume d’un soi enfin libéré du personnage politiquement correct derrière lequel on se cache,
de se révéler en couleurs.