Et le sourire, bordel !
Souvent on entend les séniors pester contre les djeun’s : ils ne seraient pas bien élevés, seraient mal polis, n’aurait aucun sens civique et j’en
passe. Oui, à leur époque, on avait des manières et on savait se tenir. D’ailleurs, on tenait la porte, on disait “bonjour Madame” et “bonjour Monsieur”, on souriait aux gens
qu’on croisait… Mais aujourd’hui – la faute aux parents qui ne pensent qu’à leur carrière et laissent la télé élever leurs gamins -, on assiste à une débauche de comportements
condamnables…
Moi je ne suis pas encore sénior…
Je ne suis plus djeun’s non plus…
Mais j’ai une opinion. Qui vaut plus que celle du djeun’s aux yeux du sénior, et plus que celle du sénior aux yeux du djeun’s. Bénie soit la trentaine : tu peux enfin ouvrir ta gueule et
les gens t’écoutent presque sans sourciller.
Un jour de semaine, de la pluie sur Paris, moi au chaud dans ma voiture. Les pauvres piétons qui affrontent l’ersatz d’urine de bovin (ne dit-on pas qu’il pleut comme vache qui
pisse ?) me font pitié et je les laisse volontiers passer. Gentil, ce petit couple d’ados qui me fait un sourire digne d’Omar Sy (les dents des deux réunies valent celles d’Omar
Sy, faut pas déconner non plus). Sympa.
Un peu plus loin, une petite vieille avec sa poussette à courses. Je m’arrête alors que le feu est vert pour moi (en même temps, elle n’en a rien à faire, elle traverse sans regarder). Pas un
regard de la vieille (notez l’absence de l’adjectif “petite” qui en fait maintenant une sorcière plutôt que la mère-grand du petit chaperon rouge). Pas un sourire. Pas même un
signe de tête.
Passons…
Quatre feux et douze intersections plus tard, le bilan est sans appel : le père de famille qui emmène ses gamins à l’école : il sourit ; les ados qui filent sous la pluie – probablement pour
mieux sécher les cours, mais ça c’est une autre histoire – : ils remercient ; la gamine avec son cartable sur le dos : elle sourit timidement, mais elle sourit ; les séniors : ils ne
t’adressent pas un signe quand ils ne te font pas carrément la gueule genre “de toute façon, je t’emmerde”.
Alors qu’on ne me parle plus de l’incivilité des jeunes et de l’époque ô combien révolue où on savait se comporter dignement. Parce que ceux-là mêmes qui râlent contre la
jeunesse sont bien ceux qui ne donnent pas le bon exemple. Finalement, ce n’est peut-être pas la faute des parents démissionnaires mais celle des grands-parents à qui tout est
dû…