Médias sociaux et relations sexuelles

Ce matin, une vidéo postée par l’un de mes amis sur Facebook m’a interpellée : FuckSquare. En habituée des réseaux sociaux, il ne m’a pas fallu plus d’un quart de seconde pour faire le
rapprochement avec FourSquare, et en visionnant l’objet du délit, je n’ai pas été déçue, loin de là…

La vidéo, la voici :

Evidemment, on ne peut s’empêcher de sourire devant l’absurdité d’une telle situation : un couple, le garçon se connecte pour détailler, en temps réel, l’avancée de ses ébats amoureux avec une
fille qui, semble-t-il, est devenu un véritable « lieu commun » (pardonnez-moi l’expression, mais l’occasion était trop belle). Est-ce à dire que la moindre de nos expériences sentimentales et
sexuelles a vocation à être partagée avec des millions de personnes, lesquelles pourront à leur tour donner leur avis ou prodiguer leurs conseils ? Toujours en temps réel, s’entend.

Plus qu’un trait d’humour au ton sarcastique surlignant l’absurdité de la mise en scène virtuelle et les dérives de l’over-connexion, cette vidéo, si on gratte un peu le vernis, n’est pas si
drôle, voire elle est complètement flippante et représentative d’une génération perdue dans les limbes du web. Car si la multiplication des réseaux sociaux permet de rester en contact et de
partager avec ses amis proches ou lointains (physiquement, s’entend), ils sont surtout devenus les mouchards d’une génération qui ne vit plus que par statuts interposés.

Parlons-en, des statuts. Qui n’a jamais appris que son voisin de palier (ou de bureau, peu importe) était de mauvaise humeur en se levant ce matin, avait envie de vacances, ou mieux était à la
station lambda à un moment donné ? Si les réseaux sociaux ont d’abord eu pour vocation de permettre une communication et un partage favorisés, leur fonction première a rapidement été dénaturée
pour devenir un joyeux bordel méli-mélo d’exhibitionnisme virtuel.

Facebook, Twitter et consorts sont devenus en l’espace de quelques années les mouchards de nos actions revendiquées. Alors que personne ne songerait à appeler ses amis pour leur dire « je déguste
un excellent tiramisu », il n’est pas rare d’apercevoir ce type de statut sur une toile devenue exutoire magnifique d’une déconcertante banalité qui se veut au contraire excitante.

Et quid des tracas de chacun tandis que l’irrémédiable réponse à « comment vas-tu ?  » est « bien ». Les réseaux sociaux permettent d’épancher sa peine, de se plaindre, d’offrir au regard des autres
l’étendue de sa déchéance réelle sous couvert d’annonce virtuelle. Comme si le message n’était pas le même. On se met en scène sans pudeur, parfois avec exagération, presque sans conscience de
l’affligeante portée de cet acte qui paraît pourtant normalisé, presque naturel.

Mais on peut aller encore plus loin : les réseaux sociaux sont ainsi devenus le miroir dans lequel on se regarde et se nourrit… de l’absurdité des autres. On y déguste les déconvenues de gens
plus malheureux que nous, histoire de se sentir plus chanceux, on y clame son bonheur, histoire de mieux le leur jeter à la figure, ou bien on cherche des à s’y rassurer puisque, si machin a
trouvé un super boulot, alors nous aussi on peut le faire !

Au fil des mois, les réseaux sociaux se sont imposés comme les dénonciateurs politiquement corrects d’une génération qui vit au travers de son pendant virtuel. Il est devenu normal, voire
convenable de s’exhiber sur la toile, d’y apposer ses craintes, ses peurs, ses joies, ses peines, ses succès et ses échecs. Alors, effectivement, pourquoi pas prolonger l’expérience jusqu’à
détailler ses relations sexuelles en cherchant le regard approbateur (ou critique) d’une communauté d’amis à qui on ne passe parfois pas même un coup de fil pour prendre des
nouvelles.