Multiculturelle et entrepreneure : mon choix c'est Macron

Dimanche 7 mai 2017, 16h15 : j’ai entendu « a voté » après avoir mis mon enveloppe dans l’urne. Une enveloppe contenant un bulletin sur lequel était écrit « Macron ». Si certains (beaucoup) ont aujourd’hui voté utile, contre ou par dépit, je peux le dire le regard haut : j’ai voté Macron. Peut-être me suis-je plantée, mais je l’ai fait en toute connaissance de cause, sans clamer mon soutien haut et fort depuis des mois comme d’autres l’ont fait. J’ai voté, j’en suis fière et je vais même vous dire pourquoi j’ai fait ce choix.

A vous qui pourrissez mon fil Facebook depuis des mois

Cet article s’adresse à tous ceux que je lis depuis des mois : mes amis, mes proches, mes connaissances… Vous qui n’avez cessé de partager votre opinion sur les réseaux sociaux, scandant à qui voulait l’entendre que le candidat que vous aviez choisi était l’unique solution à la situation actuelle de la France, le seul capable de redresser ce beau pays tout en améliorant la vie quotidienne des français. J’ai entendu les pro-Fillon, les pro-Mélenchon, j’ai lu les programmes des candidats, en commençant par ceux pour lesquels je n’avais absolument pas l’intention de voter (on ne sait jamais), j’ai forgé ma propre opinion, sans jamais la jeter au visage de ceux qui ne pensaient pas comme moi, me contentant de réagir, parfois, quand je trouvais que le cirque avait assez duré.

Car oui, même si je fait partie de ces digital natives (certes, de la première heure) qui consomment du réseau social comme d’autres se shootent aux Dragibus, je n’ai jamais considéré que j’avais le devoir d’afficher mon opinion, encore moins d’expliquer à une communauté large qu’elle devait suivre mon exemple. Le choix politique est un choix personnel qui demande de s’adresser à chacun de façon personnelle. La propagande à laquelle nous assistons, tous, depuis plusieurs mois se fait l’écho de fake news dont on sait maintenant qu’elles sont devenues un véritable business. En témoigne la percée de Marine Le Pen lors du débat, petite pique lancée à Macron sur le thème « j’espère que l’on n’apprendra pas que vous avez un compte offshore aux Bahamas ». Heureux hasard pour la candidate du FN : une publication anonyme sur le réseau 4chan est venue confirmer cette idée… avant d’être démontée en bonne et due forme : les petits malins qui avaient créé les fausses preuves avaient oublié des calques sur leur fichier. Erreur de débutant, mais qui prouve le climat actuel.

Alors non, je ne suis pas entrée dans ce jeu malsain permis par la rapidité de transmission des informations, qu’elles soient vraies ou fausses. Je n’ai pas ouvertement donné mon opinion, même si je me suis parfois insurgé face au partage de publications aux titres aussi racoleurs qu’une michto dans une boîte de nuit parisienne un samedi soir, issus de sources pour le moins discutables. Je n’ai pas non plus clamé mon soulagement quand les résultats ont annoncé un Emmanuel Macron en tête et mon horreur de voir Marine Le Pen en seconde position. Je n’en pensais pas moins et, contrairement à vous, j’ai su garder ça dans ma sphère intime. A ma place, vous qui militez en masse sur mon fil d’actualité Facebook (pourtant limité aux seules personnes que je connais réellement) auriez fait des sorties théâtrales, qui pour se satisfaire d’un Fillon, qui pour se réclamer d’un Mélenchon, qui pour soutenir un Hamon. Et je passe les autres…

Macron : un choix construit

Et oui, au risque de vous décevoir, je n’ai pas voté « utile ». Je n’ai pas non plus voté « contre ». J’ai voté pour, de bonne fois et, depuis longtemps, avec un certain espoir quant à ce choix. Un choix qui s’est porté sur Macron, un choix construit avec mon histoire, celle d’une femme entrepreneure, startuppeuse de surcroît, qui galère depuis des années pour se faire une place dans un système où un diplôme issu d’une grande école avec un stage dans une multinationale valent plus qu’un cursus universitaire avec un CDI en parallèle. C’est le choix d’une petite-fille d’immigrés. D’aucuns argueront que mes grands-parents étaient italiens, je leur répondrai que lorsqu’il sont arrivés en France ce n’était pas une qualité. Ma grand-mère s’est même vu refuser l’entrée à l’école de couture car elle était ritale. Saleté d’étrangers ! Je ne ressens aucune animosité aujourd’hui face à mes origines, mais le fait est qu’il existe un passif dans ma famille. Et que oui, je comprends ce que ressentent les français d’origine étrangère. 

Je ne vais pas non plus pleurer sur mon sort : mes parents m’ont donné toutes les chances, se sont saignés pour moi, pour que je puisse intégrer une école privée internationale et apprendre l’anglais dès la maternelle, pour que j’acquière les bases et plus, que j’apprenne à me débrouiller seule, que je sache que je pouvais tout faire même sans avoir le même argent de poche que mes camarades. J’ai été protégée, jusqu’après le bac, comme devraient l’être tous les enfants : ma seule responsabilité était de passer le bac. Le jour où j’ai eu les résultats, ma mère m’a annoncé que désormais je n’aurais plus d’argent de poche. J’avais une nouvelle responsabilité : gagner de l’argent pour mes sorties. Cela ne veut pas dire que j’ai été livrée à moi-même, mais j’ai appris la valeur de l’argent. Je la connaissais déjà : j’ai vu mon oncle tenir un kiosque durant des années, démarrant ses journées avant que Paris s’éveille, les terminant à 22h. Un métier qui vous coupe du reste du monde tant ses horaires sont décalés. Pénibilité assurée, mais jamais reconnue…

Alors oui, j’ai été privilégiée. Je n’ai compris le racisme et l’antisémitisme que l’année qui a suivi le bac : je faisais une prépa kiné et j’ai réalisé que mes copains juifs, assis devant à droite, n’adressaient jamais la parole à mes copains musulmans, assis au fond à gauche. Moi qui n’avais jamais eu à faire face à la « différence » alors que l’intégralité de mes études jusqu’à la terminale s’est déroulée dans une école où les religions et les nationalités se mélangeaient chaque jour dans un melting pot joyeux, je découvrais ce que représentait la peur de l’autre, son rejet, le poids de l’Histoire et des cultures. Jusque-là, l’unique différence que je voyais avec l’une de mes amies juives était qu’elle avait le droit de ne pas venir en cours le jour de Kippour alors que moi je devais y aller… Innocence, quand tu nous tiens.

Sortir des clichés et de l’immobilisme

Je vous entends d’ici, me dire qu’en tant qu’entrepreneure (saleté de patrons !) à l’enfance protégée j’aurais dû voter Fillon, qui se positionne pour les riches (salauds de riches !) ; ou qu’en tant que petite-fille d’immigrés avec un grand-père maçon, moi la crétine des Alpes, j’aurais dû faire confiance à Mélenchon qui veut donner une image de Robin des bois moderne : prendre aux riches pour donner aux pauvres. Et bien je ne suis ni pour l’un, ni pour l’autre. Je n’ai pas de patrimoine qui me fasse peser l’épée de Damoclès de l’ISF, et pourtant je suis contre : gagner de l’argent n’est pas une honte, même beaucoup, tant que cela reste honnête et ce même si je n’ai pas d’affection particulière pour des grands patrons. Soutenir les petits, poursuivre l’assistanat mis en place en France depuis des décennies, je n’y crois pas plus. Le système actuel transforme les droits en devoir : le devoir d’être au chômage parce qu’on a suffisamment travaillé pour pouvoir se reposer deux ans. Même quand on a des opportunités, même quand on est en mesure de travailler, parce que passer ses journées sur le canapé ou en terrasse est quand même plus agréable… Autant d’allocations qui vont à des gens qui ne les méritent pas alors que tant d’autres vivent sous le seuil de pauvreté.

Petit exemple de ce système vérolé : en 2009, j’ai dû fermer ma première boîte. Quand on a investi son temps, son énergie, dans son entreprise, quand on y a placé ses espoirs et qu’il faut malheureusement se rendre compte que ce n’était pas le bon moment, pas la bonne formule, pas les bons clients (petit conseil : ne faites pas confiance aux suisses – ils peuvent décider du jour au lendemain de ne plus vous payer et vous pouvez vous accrocher pour récupérer ce qu’ils vous doivent), c’est une douleur. C’est un échec. Professionnel et personnel. On se retrouve sans rien, la seule aide à laquelle on peut prétendre est le RSA. Et c’est là qu’on découvre ce qui se passe, quotidiennement, à la Caisse d’Allocations Familiales : des familles en détresse, sans ressources, des entrepreneurs dépités parce qu’ils ont tout perdu et risquent de se retrouver à la rue, des jeunes qui n’ont pas eu la chance qui fut la mienne… Des dizaines, des centaines de personnes perdues, humiliées (je vous encourage à vous imaginer dans cette situation : mendier les 400 euros qui vous permettront de ne pas faire la manche pour vous nourrir mais ne vous mettront pas un toit au-dessus de la tête) qui ne savent pas comment se sauver elles-mêmes.

Alors oui, qu’un candidat propose un droit au chômage pour tous, je trouve cela plus pertinent qu’un revenu universel qui ne l’est pas puisqu’il ne concerne que les moins bien lotis. Ce n’est qu’une nouvelle appellation pour ce qui existe déjà : le RSA. J’appelle ça du recyclenfumage… (désolée, Monsieur Hamon, je vous trouvais pourtant bien sympathique, mais probablement trop honnête et naïf) Je me sens proche d’un politique qui ne snobe pas des entreprises française primées au CES parce qu’elles appartiennent à la sextech (j’en profit pour dire mon profond irrespect pour les organisateurs du Concours Lépine qui ont éjecté sans ménagement E Sensory de leur stand à la Foire de Paris car ils refusaient d’avoir un objet lié à la sexualité dans leur espace – salauds de gens sexués !). Je respecte un homme qui s’est construit seul et a gagné le respect de ses paires grâce à son seul travail. Car non, on ne peut pas dire qu’il vienne d’une famille où sa voie était tracée. Et non, je ne suis pas d’accord sur tout ce qu’il propose, mais que son second chantier, après la sécurité, soit l’éducation, dès les petites classes, là où on apprend à lire et à écrire… Pour moi qui interviens dans différentes écoles et suis le témoin du niveau affligeant d’orthographe et de grammaire dans des classes de master, c’est une bonne nouvelle.

A l’heure où cet article va paraître, certains d’entre vous auront déjà voté, pour Macron, pour MLP ou blanc, pour signifier leur désaccord. D’autres seront restés chez eux, l’abstention étant leur manière de dire « ça suffit ». A ceux-là, je dirai qu’il n’est pas trop tard. Parce que finalement, la gauche, la droite, ce sont des notions qui n’existent plus depuis longtemps à moins de se positionner sur les extrêmes. Et que dans une France sclérosée, réfractaire aux changements pour protéger ses acquis, seuls deux types de candidats peuvent modifier la donne : un politique en fin de course qui n’a rien à perdre (il n’y en avait pas dans les 11 candidats) ou un jeune qui a tout à prouver. Il y en a un, il s’appelle Emmanuel Macron et, personnellement, je serai fière d’avoir un président de 39 ans !

PS : mon seul regret à ce jour est de ne pas avoir répondu à l’appel d’Emmanuel Macron invitant les femmes à rejoindre En marche pour se présenter aux législatives 

PPS : en plus, le couple Macron à l’Elysée, c’est quand même « so  rock’n’roll » !

PPPS : c’est quand même bien la première fois que j’ai envie de m’engager en politique (il est fort, cet Emmanuel !)

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